jeudi 24 mars 2011

Sketchs et humour Africain

Omar Defunzu : Immigration choisie.
Quand un humouriste Gabonais se paye la tête de ses voisin... A plier de rire quand on connait un peu le contexte !

Omar defunzu : micro trottoir...
"Les blancs, y z ont la prime de soleil, la prime de moustique, ..."

http://www.youtube.com/watch?v=a8pYhpP5aqU&feature=player_detailpage
Omar Defunzu : les Tékés du Gabon...


Part 1 : http://www.youtube.com/watch?v=vqYpKr0Lsno
Part 2 : http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=UYWlEEJuEpQ
Omar Defunzu et Dibakou : Man Ghana !

http://www.wideo.fr/video/iLyROoafYoZv.html
Mamane : La langue de Descartes

http://ma-tvideo.france2.fr/channel/iLyROoafYIKP.html
Mamane : Niger/France

mercredi 23 mars 2011

Dans un marécage socio-economico-culturel

Le retour à la Capitale après une semaine dans le Sud du pays, c’est comme traverser un miroir… Passer à travers le voile qui sépare d’un coté le Gabon moderne, vitrine d’un développement de l’économie mondialisée, ici essentiellement soutenu par les exportations de pétrole, de manganèse et de bois ; et d’autre part le Gabon profond, plongé au cœur de le forêt équatoriale, très peu peuplé, en marge du dynamisme économique et social incarné par un terme cher au nouveau gouvernement : « l’émergence ». Cette émergence, elle semble en effet exister à Libreville, Port-Gentil ou Franceville, dans les bâtiments des Ministères, les villas des hommes d’affaires, les magasins du centre ville, les 4x4 flambant neufs. Mais une chose est sure, c’est qu’elle peine à atteindre les zones reculées du pays, enclavées par la distance et les mauvaises infrastructures de transports, délaissées par les opérateurs économiques qui viennent prendre la matière première et s’en retournent à leurs préoccupations financières, laissant derrières eux des villages et des villes dans l’obscurité du sous-développement, la solitude d’une île humaine au milieu du désert vert. 
Sur les rives de la Ngounié à Fougamou...

La poussière sur les pistes Africaines

Se sont donc écoulés 10 jours, durant lesquels nous (une sociologue Gabonaise, un chauffeur mécano et moi) avons parcouru le Sud, plus précisément les provinces de la Nyanga et de la Ngounié. Première mission d’une étude socio-économique dans 104 villages de la région qui ne fait que commencer... Comme il est d’usage en Afrique mais aussi ailleurs, l’autorité, la hiérarchie et le cadre administratif et politique doivent être respectés. Les autorités Provinciales, Départementales puis Locales (l’ordre est important !) ont donc vues débarquer 3 personnes chargées de les informer et de recueillir leurs opinions sur un projet forestier. Ce dernier concerne 300 000 hectares de forêts (oui oui c’est énorme… Mais pas tant que ça pour la région) qui vont être exploités (soit disant) selon des principes d’aménagement durable qui respectent les trois piliers évoqués dans un précédent message (Social, économie, environnement). Pour cela, notre travail, dans le cadre de l’étude socio-économique, consiste à enquêter dans les villages pour dresser un état des lieux de l’environnement socio-économique et culturel de la zone. Histoire, démographie, aménagement du territoire, éducation, santé, traditions, contexte socio-politique, agriculture, chasse, pêche, cueillette… Quels sont les difficultés, les inquiétudes, les attentes, les besoins des populations ?
Une rivière qui traverse la forêt

Sur le chemin de l'école à Moabi

Une régime de bananes plantains dans un maquis

Je me trouve vraiment au cœur de ce qui m’a toujours passionné. Les Hommes, l’environnement, et cette problématique insoluble qui confronte et/ou associe développement économique et social et épanouissement de chacun vers plus de justice et d’égalité. 

Ma question est simple. Comment peut-on résoudre cette équation à multiples facteurs (Etat, société privée, populations) pour améliorer le monde et la vie des Hommes ? Cette équation, la voici ici illustrée au Gabon. 

Un pays riche de matières premières. Une stabilité politique presque inégalée en Afrique, incarnée par l’image d’un défunt Président à vie, feu Omar Bongo Odimba. Une histoire politico-économico-mafieuse  avec la France qu’on appelle « Françafrique » ou encore « France à fric ». En environnement riche mais aussi particulièrement difficile car la forêt dense est une prison verte pour celui qui s’y trouve au quotidien. Un contexte ethnique des plus classiques avec 54 ethnies réparties sur un territoire aux infrastructures routières délabrées. Le pays, par sa stabilité politique, l’abondance de ces richesses en matière première et sa population constitue une exception dans cette Afrique Centrale rongée par des conflits armés (RDC, Congo, Centrafrique, Rwanda, Burundi, etc.). Les investisseurs étrangers y sont donc nombreux, les expatriés ou expat’ tels qu’on les appelle ici occupent la plupart des postes de direction ou à responsabilité dans les sociétés privées à Capitaux Européens (France, Allemagne, Italie, etc.), Américains (USA, Canada) ou Asiatiques (Chinois, Indiens, Malaysiens). L’Etat quant à lui est à l’image d’un parti resté longtemps unique et en tout cas ultra-dominant: le PDG (Parti Démocratique Gabonais). Les arrangements, la corruption, les détournements, l’incompétence, la malhonnêteté sont au cœur de l’appareil d’Etat ainsi que pour les autorités de tous niveaux. Même les plus petits fonctionnaires : policiers, militaires, administration, douanes, etc. ont pour habitude de se servir dans le sac puisque les salaires peinent à nourrir une famille toujours plus grande de jour en jour… La « bonne gouvernance » est un mythe, la « gouvernance tout court » pas encore une réalité. Troisième acteur, les villageois. Vivant la depuis depuis (expression Africaine)… L’activité économique de la zone est souvent nulle. Des routes médiocres et un trafic rare rendent quasi impossible l’agriculture commerciale. La chasse d’antilopes, gazelles, porc-épic, singes, crocodiles, pangolins et autres (éléphants, gorilles, panthères, etc.) permet de consommer des protéines ou bien de gagner des petits 5000 FCFA (6-7 euros pour un singe moyen par exemple) lorsqu’une voiture s’arrête… Les villageois pratiquent souvent la chasse, la cueillette, la pêche, l’exploitation de quelques arbres et même des cérémonies aux ancêtres, dans la forêt. Des droits coutumiers existent dans l’esprit de chacun tandis que l’Etat possède dans les textes la propriété (quasi) exclusive des forêts du pays. Du jour au lendemain, on annonce aux villageois qu’une société étrangère va venir exploiter le bois, qu’elle payera des impôts, et que l’Etat trop occupé à enrichir ses ministres et autres, ne reversera pas un centime dans la région ! Quelle est la réaction logique ? L’indignation (spéciale dédicace à Stéphane Hessel) !
Petit Zozio tout beau

Opla ! 
L'agriculture sur brulis en photo

Le petit bandit de Moabi !!!
Et la forêt au Gabon ca marche comment ?

Et bien en Afrique, suite à la décolonisation, l’Etat est devenu propriétaire de TOUTES les forêts du pays (comme c’était le cas dans toute l’Afrique Française pendant la colonisation). Même si des progrès tendent récemment à être faits dans quelques pays, le droit coutumier/traditionnel sur la terre n’est pas reconnu par la loi. Dans les faits, l’Etat s’accorde le droit de vendre ou céder des zones immenses à des sociétés étrangères (ou non) qui se proposent d’exploiter le bois en échange du payement de taxes et divers impôts. Les populations  doivent ensuite faire avec et voir leur territoire impacté par des étrangers qui trop souvent ne leur rapporte rien. Ou si peu... Comme on dit souvent « les grands perdants » sont toujours les mêmes et la question n’est pas de savoir comment les aider mais plutôt comment leur donner le droit à ce qu’ils méritent.

C’est donc avec cet espoir, cet objectif que je travaille chaque jour ! Contribuer à ce que l’exploitation forestière soit plus juste, plus favorable aux populations. Sans pour autant tomber dans l’assistanat, dans la contribution facile, j’espère œuvrer à une meilleure intégration des préoccupations villageoises dans l’exploitation. Et elles sont nombreuses !!! Il est probablement de bon ton dans certains milieux de croire que le pauvre autochtone veut protéger sa forêt contre les méchants « blancs »… Malheureusement la réalité est tout autre ! La question pour les populations n’est pas de savoir comment protéger leur forêt mais plutôt qu’est ce qu’ils vont en tirer ??!!! Comment la société qui vient couper du bois chez eux (traditionnellement parlant) va contribuer au développement du village (économiquement parlant) ? Comment la société va compenser les impacts de l’exploitation ? Va-t-elle construire de nouvelles routes, entretenir les anciennes ? Va-t-elle embaucher les rares jeunes encore au village ? Va-t-elle essayer de les empêcher de chasser sous prétexte d’une idée de blanc appelé « conservation de la biodiversité » ?

Et je crois pouvoir dire qu’il y a de tout ! Et que justement c’est ce qui complique l’affaire… De l’exploitant sauvage qui distribue des enveloppes de billets dans l’administration, aux Eaux et Forêts, en passant par la police, etc. A celui qui essaye d’agir convenablement et qui subit les pressions de l’administration, le racket de certaines populations etc. En passant par des populations pauvres qui se sentent flouées à la fois par l’Etat, des représentants locaux et par l’entreprise étrangère… Les situations sont souvent complexes et loin des clichés du méchant blanc ou du méchant noir… Je crois cependant que depuis des décennies, ce sont les étrangers qui ont su le plus profiter de la faiblesse des institutions Etatiques pour piller les ressources du Continent. La corruption n’est pas seulement l’affaire des méchants Africains, elle est aussi le jeu de nos grands groupes dont les économistes sont si fiers !!! Areva, Total, Boloré, Suez, Bouygues, Orange, Rougier, Nestlé, etc. Nos amis Américains, Européens, Chinois, Libanais ne sont pas en reste au pays de la France à fric ! Tous savent comment distribuer les bonnes enveloppes aux bonnes personnes, pour avoir un contrat, pour payer moins d’impôts, pour détourner des cargaisons, pour se sortir d’une mauvaise passe, pour contenter un fonctionnaire trop gourmand…

Je suis donc plongé dans ce milieu, dans ce marécage socio-économico-culturel. Des villages pauvres, délaissés par les investissements de l’Etat. Souvent soumis à un fort exode rural avec une jeunesse qui fuit pour rejoindre les villes… Une activité économique quasi nulle, seulement l’agriculture vivrière, la chasse, et les contributions des « grands frères » qui ont réussi un peu en ville… Le paysage est un peu désolant parfois… Loin des clichés d’une Afrique joyeuse malgré la pauvreté… Oui le sourire est là, la bonne humeur aussi, mais n’empêche que l’absence de perspectives, l’absence de sécurité, l’absence de dynamisme démographique et culturel sont une réalité accablante et quotidienne pour ces populations ! Le simple fait de constater que certains villages ne sont peuplés que de vieux suffit à illustrer la situation… Les jeunes s’en vont, ils fuient vers les villes ! Ils fuient vers "le village-monde".

Entre le cochon et le sanglier, le cochonglier

Pont en lianes (et en câbles mais ca fait moins exotique...)

Pont en lianes (et en câbles mais ca fait moins exotique...)
Un village en forêt
Ce message est très forestier, une fois n’est pas coutume. Je vais donc vous balancer quelques anecdotes en vrac qui illustrent la vie en Afrique, au Gabon…

J’arrive dans une petite ville, Mimongo. Le Préfet est un espèce de dictateur esclavagiste qui terrorise sa population. Ne respectant même pas les traditions, les normes, il se permet de parler avec mépris et dédain à des mamans, à des vieilles (le terme n’est pas péjoratif en Afrique). Moi, je suis obligé de travailler avec lui et rester poli malgré le dégout qu’il m’inspire... Ce jour la, je joue au foot avec un pygmée d’1m45, vétu d’un maillot du FC Barcelone et surnommé « Messi », le jeune se balade vraiment balle au pied… Ma première rencontre avec un pygmée est très loin du cliché… Peuple indigène de chasseurs-cueilleurs, c’est la tout l’imaginaire d’un occident qui n’en fini pas de fantasmer sur ce qu’il a perdu depuis longtemps… Mais ici les pygmées sont méprisés, ils ont généralement toujours été marginalisés, spoliés, exploités par les populations d’origine Bantou. Aujourd’hui, une bonne part de ces peuples tendent à rejoindre le monde, les autres ethnies, la technologie, les routes, l’électricité, la Champions League … Certains continuent de s’accrocher à leur mode de vie ancestrale mais pour combien de temps encore ? Le temps joue contre les modes de vies et la culture de ces derniers peuples restés hermétique à la modernité occidentale.

Nous allons boire un verre avec des collègues après le travail. Chez nous en Europe, on a coutume de payer chacun ce que l’on boit. Parfois offrir une tournée mais en tout cas partager les frais… Ici au Gabon comme ailleurs en Afrique, c’est une seule personne qui offre ! S’il invite, il invite ! Il n’est pas question de partager des histoires de quelques FCFA… Souvent, les blancs se sentent floués ou arnaqués en Afrique. Parfois c’est vrai mais la plupart du temps, ils sont simplement vus comme celui qui a le plus d’argent (parfois à tord) et donc celui qui naturellement doit inviter ses amis. Mes collègues Gabonais raillent cette habitude de blanc qui consiste à partager l’addition… Le problème n’est pas une question de couleur de peau, c’est une question de culture. Le plus riche, le grand frère, celui qui travaille, qui a l’arzzzent (avec l’accent Sénégalais), c’est celui la même (expression Africaine) qui invite… Il n’a même pas toujours le choix, c’est un principe…

La solidarité à l’Africaine ! Ah la belle utopie ! Chez nous (en France), la solidarité est une affaire d’Etat. Chacun paye des cotisations, des taxes, des impôts qui servent à aider les plus nécessiteux, les plus fragiles, les malades,… Ici, l’Etat est quasi absent. Aucune aide en cas pépin, aucune sécurité sociale si tu es pauvre, aucun resto du cœur, pas de RMI, pas d’allocations chômage… La solidarité est donc depuis toujours familiale, clanique. Une personne qui travaille, qui a un salaire, doit assumer avec elle entre 10 et 30 personnes ! Dans ce contexte comment capitaliser ? C’est tout simplement impossible de penser uniquement à soit… Les frères, sœurs, parents, cousins, amis, qui sont dans la galère sont autant de personne que tu dois aider au quotidien pour ne pas les voir sombrer dans la misère la plus totale… La pression sociale est énorme ! Quelque soit le niveau, le devoir de solidarité avec ta famille et tes proches est une constante… C’est une chose que je comprends bien, mon père a vécu toute sa vie avec cette pression… Parfois, la critique de l’extrêmement règlementé, l’Etatisation de la solidarité consiste à dire qu’elle détruit les liens sociaux, les solidarités de proximité... Même si les aspects positifs ne manquent pas, j’ai le sentiment que cette sécurité garantie par l’Etat est peut être un pic dans le cœur de la solidarité familiale... Par contre, il existe une autre critique, moins fréquente celle-ci… La critique des systèmes de solidarité traditionnels dans un monde moderne. Parce qu’après tout, quand on y pense, n’est ce pas la solidarité Africaine qui est en partie responsable des dictatures, de la corruption, du népotisme… ? N’est ce pas cette douce utopie idéalisée par nous les « bobo blancs » qui pousse des chefs d’Etat à favoriser amis et famille plutôt que la compétence et l’honnêteté ? N’est ce pas la belle solidarité qui contraint des chefs d’Etat vieillissant à garder le pouvoir pour continuer d’aider ses proches, son clan, sa tribu, son ethnie ? N’est ce pas ce devoir d’aider tous ceux qui demandent qui bride l’initiative personnelle, l’investissement, etc. ? L’angélisme et les idées préconçues ne doivent pas brider l’analyse et le jugement que l’on se fait d’une société… Les Hommes ne sont pas des bisounours et leurs sociétés ne ressemblent ni à des arc-en-ciel ni à des nuages de crème !

Dernière anecdote ou plutôt dernière remarque géopolitique. Aujourd’hui, au nom d’un esprit Humaniste et pacifique, nous avons engagé une guerre aérienne avec Kadhafi (qui semble avoir la tête en l’air c’est déjà ça !). Pour sauver des vies civiles, Monsieur N.S. a décidé d’aller bombarder les troupes de son ami Mr. K, dont il serrait pourtant chaleureusement la main il y a à peine 2 ans… Les contrats juteux ont été oubliés pour laisser place à l’humanisme par frappes aériennes ! J'aurais critiqué quoi qu'il  arrive l'inaction de la communauté internationale mais... Une question me vient : Pourquoi, alors que les milices janjawid du Soudan massacraient 300 000 Darfouri avec le soutien de Khartoum, la communauté internationale n’a-t-elle rien fait ? Pourquoi en 1994, le monde s’est retiré du Rwanda pour laisser faire l’abominable, le « plus jamais ça du lendemain de 1945 », le génocide… Pourquoi n’agit on pas en Corée du Nord, au Myanmar, au Gabon, en Côte d’Ivoire, au Yémen, à Bahrein, au Tibet, en Iran, en Corse, en Irlande et ailleurs ? Pourquoi à chaque fois qu’un groupe révolutionnaire né en Afrique, il est catalogué « rebelles » par les médias et les autorités Françaises ? Pourquoi soutient-on ouvertement des dictateurs sanguinaires dans certains pays ? Pourquoi, aujourd’hui en Libye et pas ailleurs ? Seulement pour les droits de l’Homme… ? Haha, rions mes amis, les intérêts de nos politiciens nous dépassent… Leur stupidité aussi par moment…

De la forêt à la planche, il n'y a qu'une scie

Coupé décalé !

Une peau de panthère au mur d'un garde des Eaux et Forêts...

Quand il pleut, ça glisse Marcel !

Brouette de "Sans noms" (c'est le noms du poisson)
On ne s'en lasse pas...

lundi 7 mars 2011

Texte sans queue ni tête

Ce texte sera court mais j’espère porteur d’un message, je n’ai simplement pas le temps de développé mais une envie irrésistible d’écrire…
 
Le monde tourne, les aiguilles du temps suivent leur course folle et dévorent les lendemains pour les digérer instantanément en un passé qui ne finit jamais de se renouveler. Les saisons passent, et l’eau, symbole du cycle de vie, continuent inlassablement de transiter entre ciel, terres et mers, pendant que l’énergie et la matière jouent à ses cotés au jeu de la vie, de la mort et de la résurrection.
L’Homme quant à lui est lancé dans une course folle vers un développement et une production de richesses qui n’a ni queue ni tête. Pendant que les Homo economicus jouent à se faire peur sur les marchés financiers, les grands perdants sont toujours les mêmes… Ils continuent à survivre, à se battre pour conserver leur dignité et sortir leurs enfants du dénuement et de la misère qui les a écrasé de la naissance à la mort. Au Nord, nous sommes cependant de plus en plus nombreux à prendre conscience de la géométrie angulaire du monde qui nous est proposé. De plus en plus nombreux à ne rien comprendre à la logique prédatrice et déculpabilisé des grands de ce monde qui amassent des richesses toujours plus grandes et semble avoir perdus le sens des réalités. De plus en plus nombreux à se lasser d’un mode de développement basé sur la consommation irraisonné et déraisonnable d’une quantité sans cesse croissante de produits et services qui n’existaient pas hier et seront soit disant essentiels demain aux nantis que nous sommes. De plus en plus nombreux à croire que le bonheur ne vient pas en consommant, que l’humanité vaut mieux qu’une poignée de dollars...

Et pourtant, à la fois prisonniers et esclaves de nous même, nous continuons à suivre nos pulsions, à aller vers des lendemains dont on ne voit pas le bout, à soutenir indirectement un système qui nous semble incohérent. Nous portons avant tout sur nos épaules le poids de notre propre vie, notre propre épanouissement, nos propres rêves. Nous assumons ainsi parfois difficilement les incohérences entre nos pensées humanistes, égalitaires, solidaires et nos actes si souvent impulsifs, égoïstes, dénués de compassion. Mais nous sommes Humains et non des dieux... L’instinct de survie s’est développé chez les Hommes que nous sommes pour devenir un instinct de confort, de sécurité, de liberté de profiter de la vie qui nous est donnée de vivre. L'instinct de bonheur et d'épanouissement quant à lui se voit malheureusement trop souvent parasité par des envies de "normalité", de possession, de reconnaissance sociale et familiale, de pouvoir, de confort matériel, etc.

Tout cela pour revenir à la marche du monde et à notre "responsabilité" (et surtout pas notre culpabilité !). Nous pensons trop souvent que nous ne sommes rien d’autre que des individualités plongés dans la masse. Nous souffrons parfois d’être emportés par le courant, lasses de ne pouvoir vivre pleinement nos rêves et nos aspirations pour nous même et le monde en général. Nous souffrons à l’âge adulte du poids de la réalité qui s’abat sur nous au petit matin et détruit notre âme d’enfant et nos utopies de jeunesse.
Mais il n’y a pas de fatalité, il n’y a que des solutions de facilité.
Il n’y a pas non plus de remède miracle, ne compte que la volonté à franchir les obstacles.
Enfin, le monde est ce qu’il est, nous sommes la pour contribuer à le changer !

Pendant ce temps, la terre tourne, l'eau coule, la lumière joue à cache cache avec les étoiles, la vie va et vient...
Et l'Homme se regarde en pensant qu'il est au centre de tout... 

vendredi 4 mars 2011

Dans l'attente d'un titre

Un énorme orage vient d’éclater. Les craquements terribles du tonnerre tout proche font trembler les murs et vaciller l’électricité. Dehors, la pluie tombe tel un océan d’eau douce qui se déverserait soudainement du ciel sur la terre sous la forme d’un mur liquide. Je crois que c’est le signe du début de la vraie grande saison des pluies durant laquelle il tombe en 3-4 mois l’équivalent de 1 ou 2 ans de pluie en métropole… Changement climatique ou simple approximation de mémoire et de perception humaine, la plupart des personnes rencontrées ici me disent qu’il n’y a plus de saison de nos jours (cette phrase semble universelle !) et que les pluies tardent à faire leur apparition depuis quelques années…

Mais finalement, pour le Gabon, peu importe, les pluies n’ont que peu d’importance ! Ce pays est un champ de pétrole, doublé d’une forêt de bois précieux,  triplé d’un gigantesque gisement de manganèse. L’agriculture est marginale donc la pluie ne revêt pas vraiment un caractère vital pour la plupart des Gabonais! La population rurale est ici bien moins importante qu’ailleurs en Afrique subsaharienne. Il y a bien une agriculture vivrière dans les villages, constituée surtout de banane plantain, manioc, taro, oseille, aubergine africaine, piments et quelques autres produits… Mais une chose est sure, les Gabonais ne sont pas de grands agriculteurs ! La chose s’explique aisément… La densité de population faible et les richesses de la forêt ont fait que de tous temps les Hommes ont trouvé de quoi subvenir à leurs besoins sans développer de systèmes de cultures étendus et chronophages. Fruits et légumes sauvages, viande de chasse, poissons, les richesses de la forêt ne manquent pas ! Et elles sont partout autour, presque à portée de main ! Même lorsqu’il s’agit de cultiver, il a été montré que le rapport « calories alimentaires produites sur calories/énergie consommées » était l’un des plus élevés au monde dans ces systèmes agricoles traditionnels d’Afrique Centrale… En d’autres termes, ca pousse tout seul! Autre argument pour justifier la faible production agricole à l’échelle du pays, les densités élevées de gros mammifères et en particulier d’éléphants peuvent rendre quasiment impossible voir cauchemardesque la mise en culture de zones étendues tant les dégâts aux cultures causés par les pachydermes peuvent s’avérer importants et répétés (à cela il faut ajouter les oiseaux, les singes, les gazelles, les antilopes, les rats, etc.). Quoi qu’il en soit, il est clair que le Gabon est très très loin d’être autosuffisant et la majeur partie des produits viennent du Cameroun voisin, du Brésil (viandes), d’Afrique du Sud mais aussi de France en ce qui concerne les produits industriels à l’Européenne… Bien sure, s’il on se focalise uniquement sur les dernières décennies, la manne pétrolière n’est pas non plus étrangère à l’absence de politique de développement du secteur agricole… Pourquoi s’abaisser à cultiver quand on a plein de dollars ?!
Petits champs derrière le village de La Woubué

TOTAL, la (grosse) vache à lait du Gabon (et de la France !)
Je suis donc de retour de forêt où j’ai passé 3 jours pour former et suivre des équipes de layonnage. Leur travail consiste -selon un protocole bien définit- à ouvrir le sous-bois dense de la forêt en lignes droites de 20 à 30 kilomètres de long (et donc dormir en forêt parfois plusieurs semaines d’affilées) et à matérialiser des parcelles de 50, 100 et 200 mètres de long pour les futurs comptages d’arbres (en vue d’une exploitation…).
Les gars de l'équipe de layonnage !

Les pro ! Respectivement 25 et 20 ans de terrain en forêt
Bouuuuuuuhhhhh j’entends déjà les soupires atterrés des plus écolo d’entre vous… Mais ma réponse est claire. La question finalement n’est pas savoir si c’est bon ou non de couper des arbres. La question importante est la suivante : que se passe-t-il si l’on ne fait rien ? Et bien la réponse est toute simple, les forêts sont coupés sauvagement avec pour seul soucis la rentabilité économique ! Les Etats SOUVERAINS (ce n’est pas WWF ou GreenPeace qui décide du droit ou non d’un pays et d’un peuple à exploiter ses ressources naturelles) encouragent dans tous les cas l’exploitation forestière pour des raisons purement économiques et sociales (entre autre l’emploi), de même qu’ils ne restent pas assis sur des puits de pétrole en pensant aux changements climatiques, aux petits oiseaux et aux potentiels marées noires… Et cela encore moins quand nous (au Nord) sommes demandeurs et consommateurs avides de ces produits! Que l’on soit d’accord avec cela ou non, les Africains et les pays en développement en général sont souverains et indépendants ! Les défis auxquels ils sont confrontés sont énormes et quoi que l’on puisse dire ou penser, les ressources naturelles qu’ils possèdent sont un outil de développement certes pas suffisant mais essentiel ! Une fois cela admis et compris, il s’agit de réfléchir à comment faire pour que cela se fasse dans les meilleurs conditions tant pour l’environnement que pour les populations… Et bien malgré une persistance des mauvaises pratiques et l’existence d’une déforestation encore active sous les tropiques, il existe des techniques et des méthodes qui reposent sur des données scientifiques, et qui encouragent à la prise en compte des aspects sociaux et environnementaux dans l’exploitation forestière. Rien d’idéal ou de révolutionnaire mais il existe une volonté de plus en plus marquée de gérer durablement, ce qui se traduit par la mise en place « d’aménagements forestiers durables ». Ces derniers sont basés sur la planification et la gestion raisonnée à travers la prise en compte des aspects sociaux et environnementaux mais sans pour autant perde de vue la rentabilité économique (l’arzzzent !) essentielle pour satisfaire les entreprises du Nord (les méchants blancs), les consommateurs de portes fenêtres et de tables de jardins du Nord (nous, les gentils blancs qui n’y voient que du feu), les gouvernements du Sud (les méchants noirs corrompus) et leurs populations (les pauvres gentils noirs qui picorent les miettes)… ;)
Au milieu de tout cela, il y a nous. Les bureaux d’études indépendants qui menons les études pour préconiser des mesures de gestion qui satisfassent aux trois piliers du développement durable : LE SOCIAL, L’ENVIRONNEMENT et L’ECONOMIE (chacun sa préférence mais pour moi le social est en 1ère position!). Pour d’autres c’est L’ECONOMIE, le soci...erkfff et l’envir-arghhh… Pour d’autres encore c’est L’ENVIRONNEMENT, le social-mwé-mwé et l’éco...eurghhh. Il faut de tout pour faire un monde ! Mais il faut surtout un rééquilibrage urgent entre les trois pieds du tabouret pour faire un monde meilleur!
Bon… tout cela ne doit pas faire oublier les autres défis de l’Afrique (le terme est général mais certains pays - trop rares -  font des progrès rapides en encourageants !) et ailleurs. La gouvernance, la corruption, le partage des richesses, l’éducation, la santé, les infrastructures, le capitalisme prédateur, le socialisme dévié d’un autre temps, le tribalisme, la dictature, les ingérences étrangères, le néocolonialisme, le trafic d’armes, les guerres, le pillage par les multi-nationales, la mauvaise gestion, la perte de repères culturels, la mondialisation de l’idéal de développement, les dislocations des systèmes de solidarités traditionnels, le népotisme, l’ethnisme politique, la xénophobie, la frustration, … Autant de mots et expressions qui me viennent à l’esprit et qui sans avoir ni queue ni tête entretiennent entre eux des liens de causes à effets complexes qui mériteraient des milliers de pages de réflexions et d’analyses ! Et même avec des milliers d’ONG, de penseurs, technocrates, politiciens, scientifiques et intellectuels brillants, dévoués et honnêtes, les solutions miracles n’existent pas… Seul la volonté et la détermination importent, le pessimisme ou l’optimisme n’ont pas leur place s’il on veut continuer d’avancer dans le bon sens !
Le fameux Oogué !

Le Soro, arbre à la sève rouge dont l'écorce soigne la toux
Je reviens donc à cette expérience de la forêt qui fut à la fois passionnante, émouvante et éprouvante ! Passionnante car j’aime ce que je fais ici. L’aménagement forestier fait appel à des notions scientifiques (biologie, écologie, éthologie) et techniques (méthodes et protocoles), à une dimension d’ingénierie quand il s’agit de trouver des solutions et résoudre des problèmes mais aussi à une prise en compte fine des aspects sociaux et culturels, des problématiques villageoises, etc. Les défis sont conséquents, les problématiques complexes !
Emouvante car c’est tout simplement bouleversant de se trouver dans un tel environnement, d’une telle beauté. C’est quelque chose de se lever au petit matin et découvrir la forêt environnante qui s’éveille dans la brume avec ses bruits, ses odeurs, ses couleurs, sa vie… C’est quelque chose d’apercevoir un groupe de singes qui s’éloigne à votre approche, d’entendre les oiseaux dans la canopée, de tomber sur des crottes d’éléphants fraiches… C’est quelque chose de prendre son bain dans une rivière au milieu des grands arbres puis de s’endormir au village, sans électricité ni eau courante, après un plat de manioc et de bananes plantains partagé avec des personnes d’une culture différente mais qui vous accueillent avec chaleur et curiosité.
Petit matin au village de La Woubué

Idem
Feuillage du parasolier (Musanga cecropioides)

Plante à fleurs en forêt
Eprouvante car la forêt tropicale est un milieu hostile, trop chaud et trop humide où les racines et les lianes vous piègent sans cesse et tentent de vous capturer et de vous abattre au sol. Marcher ne serait ce que quelques kilomètres hors des pistes nécessite des heures de coups de machettes pour ouvrir un passage, le relief est comme un ennemi qui vous nargue à chaque nouvelle crête, le sol se dérobe, les cours d’eaux cachent des zones boueuses dans lesquelles vous vous enfoncez jusqu’aux genoux, les insectes vous dérangent, vous piquent, vous grattent, les autres animaux peuvent s’avérer dangereux (l’éléphant et le gorille sont particulièrement redoutés de tous !)…
L'enfer vert...

L'outil indispensable, la machette !

Liane enserrant un arbre

Petit cours d'eau forestier
Expérience enrichissante en tout cas !
Mes prochaines expériences en brousse seront centrées sur des enquêtes socio-économiques dans des villages. Des réunions de discussions avec les villageois, des enquêtes de groupes avec les chasseurs, les agriculteurs, les pêcheurs, le chef de village et ses conseillers, etc. Peut être aussi des ballades en forêt pour délimiter les zones de chasses, les sites sacrés, identifier les campements pygmées, etc. Je suis content car cela répond vraiment à mes attentes et à mes préoccupations personnelles d’ordres socio-économiques…
Voila, je finirai ce message par une petite anecdote bien africaine.
Marché dans une petite ville

Varan en bord de piste
Alors que nous avons chez nous des comptes épargnes, des crédits à la consommation, des livrets A, B, C, D, X, des placements en bourse, etc. Ici, une pratique informelle mais très répandue, « la tontine », consiste à cotiser chaque mois avec des amis, des collègues, des membres de la famille, une somme égale pour tous (de 1000FCFA=1.5 euros à 1 000 000 FCFA=1500 euros selon les niveaux sociaux). L’argent est récolté en début de mois et immédiatement reversé en intégralité à l’un des cotisants. Ainsi, si l’on est 4, tous les 4 mois je toucherai l’équivalent de 4 mois de cotisation. Cela tourne mensuellement entre tous les membres de la tontine. Certaines personnes cotisent dans plusieurs tontines différentes.
Quel est l’avantage puisque je n’y gagne rien finalement ? Aucun taux d’intérêt ! La question semble logique mais croyez moi, elle est profondément déconnecté des réalités Gabonaises et je crois pouvoir dire, Africaines en général.
La tontine est à la fois un système de solidarité, de partage et une forme de réseau social basé sur la confiance. C’est aussi le moyen de résister à la tentation de dépenser inutilement de l’argent capitalisé en vue d’un projet… Les quelques bières ou le restaurant que j’aurais pu me payer impulsivement chaque mois vont dans la tontine. Quand c’est mon tour de la toucher, je peux acheter directement un frigo, un vélo à mon gamin, une télé, une nouvelle robe, des marchandises, des matériaux pour ma maison, envoyer de l'argent au village ou bien… payer l’apéro et le resto à tous mes potes pendant une soirée !

Coucher de soleil en forêt Gabonaise...