dimanche 20 février 2011

Une semaine

Voila une semaine que je suis passé d’un temps sec et froid à la chaleur et à l’humidité des contrées tropicales et même équatoriales pour être plus précis. Me voila donc à Libreville, capitale du Gabon, qui tire son nom d’une histoire d’esclaves « Vili » qui auraient été libérés à la fin du XIXe siècle sur les rives de l’estuaire (actuelle province où se situe Libreville).
Statue sur le bord de l'estuaire à Libreville
Dés l’arrivée, la chaleur me prend au cou et je suinte par tous les pores de la peau la moindre goutte d’eau avalée ! Mais quel bonheur d’avoir chaud et de ne plus avoir sur la peau qu’un mince bout de tissu qui a pour seul utilité de conserver un peu de pudeur ! Si Adan et Eve ont bien existé, j’espère qu’ils n’ont pas été créés en Russie ou dans le Nord de la France en plein mois de Février ! Au-delà de la température qui finalement n’est pas si insupportable que cela (28-34°C), c’est l’humidité qui rend le climat tropical si particulier...
Illustration de ce que signifie 90 à 100 % d'humidité dans l'air
Voila, j’arrive donc au Gabon pour 4 mois de stage dans un bureau d’étude en environnement et aménagement forestier (je détaillerai plus tard). « Accessoirement », je viens aussi pour découvrir l’Afrique Centrale dont on m’a si souvent parlé, le bassin du Congo qui m’a tant fait rêver, les modes de vie et cultures liées à cette forêt continent, les défis socio-économiques et politiques auxquels sont confrontés la quasi-totalité des pays d’Afrique Sub-saharienne... L’Afrique m’habite et je viens donc y habiter pour un temps, histoire de toucher du doigt les questions qui m’obsèdent même lorsque je suis à 10 000 km au Nord. C’est à la fois une forme d’engagement à la recherche de réponses et de solutions en allant sur le terrain, en rencontrant les gens, une spécialisation vers un domaine professionnel qui m’intéresse, la forêt et l’environnement mais aussi bien sûre un plaisir et une aventure incroyable à la découverte de merveilles de la Nature et de la Culture !

Plage de Libreville

Plage de Libreville aussi !




























Ici je vais voir de mes yeux ce sur quoi j’ai travaillé pendant 4 mois à Rome…
Et en effet, dés le premier jour, j’ai ENFIN mangé un produit forestier non ligneux ! Le Safou. Petit fruit violet, aussi appelé la prune d’Afrique, et qui se mange cru ou cuit accompagné de sel ou autres condiments. C’est en mangeant des fruits sauvages que l’on se rend compte à quel point l’Homme, grâce à l’hybridation et à la sélection des variétés, a rendu nos fruits et légumes énormes et généralement beaucoup plus productifs ! Le safou n’est finalement qu’un gros noyau recouvert d’une fine couche de chaire que l’on peine à déguster s’il on s’aventure à vouloir la séparer de la peau (autant dire que ca ne vaut pas une bonne pêche hybride, bio ou pas !). Ces fruits sauvages, extrêmement nombreux et divers, n’en sont pas moins des éléments très important du régime alimentaire dans de nombreuses régions d’Afrique et d’ailleurs. Ils jouent en outre un rôle important dans la sécurité alimentaire de millions de personnes !

Martin pêcheur du Sénégal (Halcyon senegalensis) sur le rebord e ma fenêtre
Le même mais sur son palmier préféré !
Lorsqu’on parle de biodiversité des forêts tropicales, une vision anthropo-centrée consiste à voir en ces richesse de la Nature, de potentiels plantes cultivables et consommables, des matériaux de construction, des molécules pour la médecine, la chimie, etc. A l’inverse, la vision romantique voit en ces forêts, des paradis sur terre où la création de dieu, l’évolution de Darwin, a aboutit à l’harmonie la plus totale dans un décor des plus somptueux ! Quoi qu’il en soit, la conclusion est la même, les forêts tropicales sont un trésor qu’il convient de conserver pour les générations futures ! C’est ensuite que les avis divergent entre les adeptes de la protection totale et ceux pour qui l’exploitation constitue un levier de développement économique… Entre les extrémistes atteints du syndrome du chimpanzé (la vie d’un chimpanzé compte plus pour certains que celle d’un Homme) et les extrémistes atteints du syndrome de Wall Street (l’argent compte plus que tout au monde !). Les débats sont lancés ?
Produits locaux : Aubergines africaines, Gombo et piments rouges

Rapé de manioc emballé dans des feuilles de Marantacées Arachides (cacahuètes) et Safou



























 Bon, sinon, je suis bien arrivé. Plutôt décevant pour les adeptes de tintin au Congo (j’adorais grave !), j’ai passé plus de temps cette semaine dans un bureau devant des rapports et mon PC qu’à observer des éléphants et des gorilles en pleine Nature ou à chasser avec les Pygmées (je n’ai d’ailleurs fait ni l’un ni l’autre). Hormis quelques ballades à Libreville, quelques rencontres et discussions, cette semaine a été une prise de marques. Mais ma foie, une prise de marques fort intéressante et agréable !
J’ai retrouvé cette Afrique que j’aime tout en arrivant en terres inconnus puisque le Gabon n'est comparable à aucune autre pays... De plus, même si culturellement il est plutôt proche de ses voisins (et encore... c'est discutable !), il n'a pas plus de points communs historiques et culturels avec le Congo que la France n'en a avec l'Allemagne ! A la fois différente dans chaque village, chaque région, chaque pays que l’on y traverse, l'Afrique est pourtant clairement porteuse d’une identité propre qui en fait un sable mouvant pour celui qui s’y aventure trop en profondeur…Je suis piqué docteur que faire?
Je vais m’arrêter là car demain, je me lève à 5h pour partir en forêt une semaine ! Enfin !!! Au programme, suivis d’inventaires (arbres, faune, flore, produits forestiers non-ligneux), rencontres avec les populations, campement dans les villages et en forêt (j’ai la tente et la lampe torche tout va bien !) et surtout 10h de pistes pour aller sur le site !!! Ah ces pistes Africaines… Tous ceux qui les ont connus s’en souviennent à la fois avec douleur mais aussi nostalgie… Je prends la route, à la semaine prochaine !

mercredi 16 février 2011

Anti-présentation générale du Gabon

Gabon… Dois-je faire une description formelle et « ennuyeuse » du pays pour vous mettre dans l’ambiance? De sa géographie, son climat, son environnement, sa situation politique, son histoire, son contexte socio-économique,  ses croyances, ses ethnies, ses problèmes, ses défis, etc.? Je ne crois pas… Ou du moins je n’en ai pas envie. Je ne vous bassinerai donc pas avec un paragraphe plat censé proposer une introduction générale au pays. Je crois de plus que certains mots n’ont qu’une signification très limitée lorsqu’ils restent inscrits dans des rapports, des synthèses, des articles ou même des blogs à la con !
De même que le goût du vin ou de la mangue ne peut être imaginé tant que l’on y a pas gouté, je crois que la réalité de l’ailleurs ne peut être goutée à travers médias et rapports statistiques… Bon, puisque  certains de mes amis sont des emmerdeurs (ils se reconnaitront), j’ajouterais néanmoins que ces rapports et autres couvertures médiatiques internationale ont leur utilité et qu’elles permettent d’appréhender une situation avec l’objectivité nécessaire à certaines taches… Mais allez donc lire wikipedia, les rapports de la BM, du FMI, de l’OMC, de l’UE, du PNUD, de la FAO, de l’UNICEF, du PAM, de la BAD, de l’UNESCO, allez donc lire les synthèses de Human Right Watch, de Transparency International, de WCS, du WWF et autres joyeux lurons du paysage strato-statistico-analytique si vous voulez une description claire, détaillée, avec des paragraphes, des données statistiques, des rapports d’enquêtes, etc. ! Moi, je vais vous donner du subjectif ! Du ressenti ! Du Momo-François chez Amadou ! Du bobo-écolo chez les forestiers et les pétroliers ! De l’anti-Françafrique au cœur même du système ! De l’anti-capitaliste profiteur du l’opulence que lui apporte son monde… Du bien-pensant et du trop critique ! Du tolérant à l’excès et du pragmatique dépassé par des réalités qui ne le sont pas ! Du cartésien et de l’illuminé. Je vais vous raconter l’Afrique telle que je la sens, telle que je la voie, telle qu’elle me touche au cœur, à l’esprit et au tripes et non telle qu’elle est ! Alors prenez des pincettes. Aussi beau que soient les mots, ils cachent en leur fort un potentiel de désinformation (même si je m’engage à ne jamais vous mentir !), les mots portent en eux l’odeur de ce que les cultures transpirent, ils ont la magique propriété d’envouter, ils sont le venin des manipulateurs et l’élixir des grands Hommes... Ne dit on pas que l’arabe est une langue magnifique pour parler d’amour avec poésie mais aussi de dieu avec foie, ne dit on pas que les esquimaux ont mille façons de décrire neige et glace, ne dit on pas enfin que l’homme du désert a autant de mots pour parler des dunes de sables que l’Indien d’Amérique pour parler des arbres de la forêt? Et bien, le métisse que je suis aura mille façon de vous faire part de la schizophrénie qui l’habite ou du moins de la richesse d’une double culture à travers une partie du monde qui lui est étrangère !
Alors voyez simplement en ce blog un tableau parfois beau et parfois hideux qu’il convient d’apprécier, de haïr ou de lire avec détachement mais toujours en gardant à l’esprit que la complexité de la réalité doit être appréhendée avec humilité…  Difficile lorsque l’on se lance le défit d’intéresser des lecteurs que de rester humble et prudent…
Vous attendez peut être du concret là ? Des nouvelles ?
« Comment c’est alors ? Y sont gentils les Gabonais ? C’est vrai que c’est une dictature ? C’est pauvre ? C’est riche ? On mange quoi ? Tu n’es pas malade ? Tu t’es fais des amis ? Et la chaleur ? C’est beau ? Et le travail ? ET LES PHOTOS ??? »
Patience, je répondrai à ces questions malgré moi ! Je posterai des photos ! J’espère que je ferai rêver ceux d’entre vous qui sont en mal d’exotisme et j’espère tout autant que j’agacerai les plus pointilleux quant au sens des mots et à la précision des analyses ! Le débat est ouvert et la critique toujours constructive lorsqu’elle est faite intelligemment.
« On dit de l’éléphant qu’il est lourd et lent à démarrer. Mais lorsqu’il est lancé, il file à vive allure et toute la brousse entend son pas ! ».

vendredi 11 février 2011

Vol d'approche

Premières images d’un retour vers ce continent qui m’a vu grandir, puis qui m’a fait grandir…
La côte d’Afrique du Nord qui se dessine loin là bas en bas sous cet engin volant qui me porte vers mes rêves de gosse, me fait penser aux instants historiques que nous vivons ! Cette côte d’un continent qui nous semble si loin et qui pourtant est voisin du notre et même frère d’histoire puisque nous partageons un héritage commun fort autour de la méditerranée… J'en suis un produit de cet héritage ! Ce continent qui est souvent pointé du doigt pour ses dictatures et qui en ce début de 21ème siècle exige la démocratie.  Oui oui mes amis, ne vous y trompez pas, c’est une REVOLUTION, avec un grand R et même plus ! C’est une révolution puis une autre puis une autre puis une autre qui s'annoncent…  Une révolution, DES révolutions des peuples pour la liberté, pour la justice, pour la dignité. Et ces révolutions ne sont pas celles d’un parti politique ou d’un syndicat ni même celles d’un groupe de fanatiques à l’idéologie extrêmiste ou d’un groupe de gamins désœuvré qui cherche une vie meilleure…  Ces révolutions sont le fruit de l’étincelle qui habite chaque humain, elles sont le vent de la liberté, elles sont le parfum de l’égalité, et surtout, elles redonnent le goût de l’ESPOIR à des centaines de millions de personnes !!! L’espoir d’un monde meilleur… A tous les pessimistes, je dis debout, le monde nous attend ! Nous vivons un grand moment et même probablement un tournant de l’Histoire !
C’est alors que là-bas, au loin sous les ailes de notre pachyderme volant, le sol devient uni. Plus de détails auxquels s’accrocher. L’océan ! Non pas le bleu mais le beige (de couleur écru diraient certains !). C’est le Grand Sahara qui s’étend à perte de vue ! Lisse comme une toile immense sur laquelle le regard fuirait sans jamais trouver le beau. Et puis après réflexion, après observation, la toile n’apparait pas si laide que cela. Certes elle est unie, elle est lisse, en apparence banale... Mais quelle profondeur ! quelle grandeur ! quelle force ! Il est difficile à concevoir qu’autrefois, le Sahara fut vert et luxuriant d’une faune et d’une flore aujourd’hui disparue depuis longtemps. Il est difficile d’imaginer que ce géant de nos jours si vide a été sillonné durant des siècles par des marchands qui transportaient or, argent, sel, épices (et même esclaves) à dos de dromadaires. Cela demande un effort encore plus grand de se placer dans la peau de celui qui partait plein Nord ou à l’inverse plein Sud pour une traversée de plusieurs mois sans garantie de trouver les rares puits ou oasis qui garantissaient la survie d’un groupe, d’un corps, d’une famille : la Caravane. Drôle de se dire que ces Hommes ont pendant des siècles réussi ces traversées et que donc le GPS, Google Map, Mappy ou l’ I phone ne sont encore que des inventions technologiques qui ne sont que de pâles copies de ce que savaient faire les gens en se repérant aux étoiles, au sillonnement des serpents, au vol des oiseaux,  tout simplement à l’instinct. Pour ma part, le Sahara prendra 3-4 heures tout au plus ! Tout cela avec l’air climatisé, les coca frais et gratuits et la télé dans le siège de la grosse dame assise devant moi !
Et soudain ! Le Sahel… Cette zone dont on connait tous le nom mais que si peu peuvent placer précisément sur une carte ! Et pour cause, le sahel bouge !!!  Ces langues de végétation et la pigmentation verte qui apparait par-ci par-là sont des indices clairs. C’est le début de la fin du désert, la fin du début de la vie (du moins la fin dans le sens de ma progression) ! Oui donc, le sahel bouge… Ou plutôt le désert bouge ! Ou plutôt rien ne bouge mais tout change ! En effet, le processus de désertification est ici à l’œuvre de manière dramatique ! Menaçant la survie de dizaines de millions d’habitants, le désert progresse par la mort de la végétation, la perte de fertilité des sols, la réduction des pluies, la déforestation massive. Les populations sont les victimes d’elles mêmes, victimes de la pauvreté qui les pousse à surexploiter leur environnement, victimes de l’urgence au quotidien qui empêche toute vision à long terme, victimes paradoxales de leur succès démographique, victimes d’un environnement qui change et exige de s’adapter ou de mourir… Le bétail lui est victime de son appétit ! Mais à tout cela n’oublions pas, surtout pas, la question du changement climatique (ah celui la !) qui n’est ni l’unique, ni la principale cause de ce désastre mais qui néanmoins a son importance ! Et chacun sait à ce titre qu’un Burkinabais ou un Nigérien consomme peu, très peu de Co2 ! Moi, dans mon avion, venu du Nord, riche, gras, je suis bien. Le kérosène brulé par ces énormes réacteurs (et qui contribue au changement climatique !) me laisse bien indifférent devant le spectacle d’un verdissement progressif du sol vu à 5 km d’altitude ! Waww !
Le début de la fin du Sahara
Et puis voila la grande Forêt… Celle vers laquelle je vais ! L’immense bassin du Congo et sa forêt sans fin, l'Afrique Centrale qui éveille curiosité et fascination chez les aventuriers de tous poils… Encore une fois, c’est un océan mais celui-ci est vert ! D’un vert sombre et profond qui évoque cette vision à la fois utopique et cauchemardesque de la Nature avec un grand N! Sauvage, impénétrable, mystérieuse, dangereuse, sans pitié pour les faibles. La loi de la jungle quoi ! La loi de Darwin ou de Dieu selon les croyances…  Tout comme cette beauté d’une biodiversité exceptionnelle est mise sur le compte du divin ou sur le hasard et la sélection. Je vais vers le cœur de l’Afrique, pausé sur (sous ?) l’Equateur, rejoindre ce petit pays nommé Gabon qui cache, j'en suis sure, des trésors que j’espère vous faire partager... Je vois un fleuve, qui, tel un serpent gigantesque et plein de vie, traverse de part en part le paysage qui s’étend sous mes yeux, vert, opaque, immobile et pourtant si dynamique et divers quand on s’approche…
Le serpent et l'enfer vert (de qualité médiocre...)