jeudi 5 mai 2011

De retour de forêt...

De retour à Libreville après 3 semaines de terrain dans les villages du Sud du pays, je ne peux m’empêcher de vomir l’inégalité indécente entre les différentes couches sociales du pays. Plus encore que chez nous, les écarts de richesses matérielles sont terribles et parfois tout simplement insoutenables.

En caricaturant à peine voir pas du tout, on passe d’un village où des gens meurent faute de dispensaire et de moyen de transport à une école d’enfants gâtés que leurs parents déposent en 4x4 neuf tous les matins en bas de chez moi… On passe d’un quotidien simple fait de manioc, de poisson et de viande de chasse à des repas gargantuesques arrosés de vin Français dans des restaurants huppés de la capitale. On trouve d’un coté des écoles sans tableau avec des enfants sans manuels scolaires fautes de moyens, et de l’autre des jeunes gens éduqués avec les standards occidentaux  et un avenir tout tracé dans les universités et les grandes écoles d’Europe et d’Amérique.

Comment appréhender cela sans devenir fou de rage contre l’Homme, contre la société voir contre soit même ?

« Soyons réalistes, exigeons l’impossible ». Cette phrase du Che me pousse à y croire, même désespérément ! L’utopiste à 3 sous que je suis mourra le jour ou Dieu lui-même se présentera à moi pour m’annoncer que l’humanité qu’il a créé est faite de forts et de faibles, de dominants et de dominés, de nantis et de miséreux.  Tant que sa « sainteté » n’aura pas fait le déplacement, je continuerai à passer pour le fou naïf que je suis probablement !

Mais on dit aussi : « Think global, do local ». Pensez global, faites local. C’est sur cela que chacun doit travailler en combattant sans relâches ses penchants  « naturels » et ses contradictions. En transformant ses idéaux en des actes. Je n’ai aucun leçon a donné car je peine (et je pêche) moi-même à changer le monde qui m’entoure. Gandhi ne serait pas très fier de nous…

Traversée de la Ngounié en pirogue

Bébé chapeau

Drapeau, palmier, forêt et brûme

Pagnes qui sèchent derrière une case


Petites filles à Fougamou

Après cette intro des plus joyeuses, de quoi pourrais-je parler pour changer de sujet discrètement… ?
La bière !!! En l’occurrence, la bière Gabonaise par excellence, la REGAB ! Les Béninois ont « la Béninoise », les Togolais « la Pils » ou « la Lager », les Rwandais « la Mutzig » et « la Primus », les Marocains « la Spéciale » et les Mauritaniens « RIEN ». Une bonne part de l’Afrique connait « la Guiness » et « la Castel ». Mais ici au Gabon, je n’ai jamais vu autant de gens boire et dans de telles proportions ! La star, c’est la REGAB. Mais vin de palme, vin de canne, liqueurs de maïs, de canne ou autres, vin rouge bas de gamme en briques, pastis, wisky, vodka frelatés, etc. sont aussi de la partie ! Tout y passe et les Gabonais sont « pour moi » les champions incontestés du « maquis » Africain (cf. fin du sketch d’Omar Defunzu). Plus sérieusement, je me pose parfois la question des dégâts sociaux et économiques engendrés directement ou indirectement par l’alcool et le cannabis… C’est considérable ! En faisant un rapide calcul, on comprend vite que certaines familles, certains pères de familles surtout, dépenses prêt du quart, du tiers de leur salaire en diverses boissons et drogues. Et ce ne sont généralement pas les plus fortunés ! Loin de constituer des exceptions, les chefs de familles accrocs à « la bibine », délaissent parfois le bien être de leur famille pour s’adonner à des plaisirs éthyliques irraisonnables. En ce sens, je rejoins partiellement l’islam et son interdiction mais en tant qu’adepte moi-même d’une ou deux bonnes bières fraiches de temps en temps, je demanderais un allègement de la sentence prophétique…

L'art d'attirer le client

Bébé enrubbé

Le coin des femmes

Doyen du village

Doyenne du village

Femmes fortes de St Martin

Chef de village, médecin traditionnel, sorcier pygmée
Pour rester dans le même registre ou presque, passons à la bouffe maintenant… La vraie bouffe des Gabonais et des habitants d’Afrique Centrale. Je ne parle pas là des ailes de poulets surgelées venues du Brésil (surnommées Nike en raison de leur forme), des morceaux de bœuf surgelé aussi en provenance de France. Non... je parle du gibier !!! Malgré quelques tabous et des préférences personnelles, dans l’ensemble, tout animal se bouffe ou presque ! Ne cherchez pas de logique à la Green-peace, il n’y a pas de pitié pour les beaux yeux de la gazelle, le doux poil de la panthère ou la peau coriace du crocodile. L’éléphant n’y échappe pas, le chat doré non plus, les chevrotains, gazelles, antilopes et autres porcs-épics sont les cibles de choix. Les tortues se mangent, plusieurs oiseaux, l’écureuil, le varan, le serpent, les rats palmistes, le lamantin, le sanglier, le pangolin, l’hippopotame, le buffle, etc. Le point le plus sensible concerne certainement le gorille et le chimpanzé, si proches de l’Homme génétiquement et en apparence… Malgré tout, cela reste de la viande pour une part non négligeable des gens et je me refuse à les condamner sur la place publique comme de terribles anthropophages ! Eduquons, sensibilisons, attendons et je suis persuadé que la consommation de viande de brousse baissera d’elle-même à la condition seulement que la pauvreté ne pousse pas à la bêtise humaine. En tout cas, j’ai moi-même dégusté quelques unes de ces espèces (mais jamais intégralement protégées) avec beaucoup de plaisir gustatif… Cela ne m’empêche pas de penser que l’avenir de la grande faune sauvage dans le bassin du Congo passe par l’éducation, la résorption de la pauvreté et la recherche d’alternatives protéiques et de sources de revenues à la viande de brousse. C’est un travail long et complexe qui demandera a coup sûre des années et des années… Mais combien au juste reste-t-il de grands singes, d’éléphants, de pangolins géants, de chevrotains aquatiques, de crocodiles nains ou même de panthères ? Le temps file, les pièges artisanaux marchent à plein régime, les fusils frappent dans la nuit, la population augmente, la surface de forêts diminue. C’est l’équation du jour à la Nicolas Hulot – Brigitte Bardot !  ;-)

Sacs de tubercules de manioc pour la vent

Gazelles en vente sur le bord de piste

Produit forestier non ligneux en vente sur le bord de piste

Ouuuuuh le bon poisson !

Piège au câble en forêt

Petite barrière et piège à câble

Femme cueillant le "papier d'alu" Africain

Cacao

Porc épic banane

Compagnon de route dégustant une tête de singe

Les arbalètes et les fléchettes c'est terminé !

Chasseur

Pêcheur

Miam, ca va faire un bon bouillon !

Chevrotins aquatiques et gazelle abattus dans la nuit

Singe "nez blanc" orphelin

Enfin, et pour ne pas être trop long, laissez moi vous transporter en forêt en racontant sommairement une expérience vécue…
Le soleil se lève sur la forêt tropicale et la vapeur d’eau transpirée par les plantes s’élève dans les airs pour offrir aux âmes sensibles un spectacle absolument inoubliable. Les insectes et les oiseaux jouent de concert avec les feuilles mortes sous les pas pour bercer l’oreille du citadin habitué au brouhaha mécanique et numérique de la ville qui ne dort jamais. Munis de machettes, d’eau et de nourriture, le groupe s’enfonce dans l’épaisse végétation du sous bois sans visibilité aucune mais seul un sens de l’orientation remarquables et l’œil habitué de jeunes du village qui ont grandit dans cette forêt. Il fait chaud, l’humidité est dans l’air, au sol et dans chaque molécule de cet univers à la fois hostile et merveilleux. Nous marchons depuis bientôt deux heures et il me vient l’idée que sans mes amis, je serais absolument et totalement perdu ! Incapable de m’accrocher au moindre indice pour retrouver mon chemin vers le village. Ici, la forêt occuper l’horizon, elle s’étend à perte de vue sur des centaines de kilomètres et la densité de population est de l’ordre de 1 ou 2 habitants au kilomètre carré… C’est certainement le seul danger qui vaille la peine d’être mentionné sur la forêt tropicale : le risque de se perdre. Les serpents, insectes, lianes irritantes ou empoisonnées, chutes de branches ou d’arbres, éléphants, gorilles, panthères ne sont absolument rien à coté de l’enfer vert que constitue cet écosystème de par sa seul structure végétale. Nous marchons encore. Nous avons traversé plusieurs cours d’eau. Parfois sur des arbres tombés en travers, parfois en s’engouffrant dans l’eau faute d’alternative pour avancer. Les chaussures sont mouillées, le pantalon aussi, jusqu’aux cuisses. Aïïï, ca pique ! Je viens de marcher sur une colonne de fourmis… Ca arrive sans cesse et quelques intrépides arrivent toujours à grimper le long des chevilles pour mordre avec force la chair endolorie par tant de rage ! C’est un combat à mort entre un insecte de deux millimètres au plus et un géant muni d’une machette ! Je garantie que si je pouvais fuir le combat, je le ferais immédiatement ! Au lieu de cela, je cours, tape des pieds et enlève une à une ces bestioles à mandibules qui livrent à mes jambes une lutte sans merci ! Je transpire à chaudes gouttes et ma bouteille d’eau est terminée. Mes compagnons qui ne s’embarrassent pas boivent l’eau des petites rivières que nous croisons de temps à autre. Je fais de même et déguste cet arôme si particulier d’une eau chargée en matière organique et porteuse du parfum des feuilles morts… Au gré des découvertes, on me montre « des plantes qui soignent ». Généralement des écorces ou des racines amères. Soudain, des branches bougent là haut à 20-25 mètres au dessus de nous. On aperçoit quelques singes qui s’enfuient sautant de branches en branches. Je n’ai vu que des ombres dans un feuillage, l’un de mes compagnons a distingué des « nez blancs », un male et trois femelles. Plus loin,  on tombe sur une piste d’éléphant matérialisée par une ouverture du sous bois et quelques énormes crottes chargées de graines qui donneront vie à de nouveaux arbres. L’un de mes compagnons me raconte certaines de ses frayeurs avec des éléphants femelles accompagnées de leurs petits ou encore avec le terrible et sauvage gorille… Je me prends à ne plus « rêver » du tout de croiser ses animaux mystiques et admirés (par les blancs en manque d’exotisme surtout) mais plutôt à calculer ma réaction et planifier ma fuite dans la forêt(face à l’éléphant) ou bien ma soumission ou ma résistance (au gorille). Les primatologues disent qu’il faut se baisser et regarder par terre. Mes compagnons disent qu’il faut se regrouper et résister avec les machettes en criant plus fort que King Kong le terrible. Ce n’était pas pour aujourd’hui. Aucune rencontre de ce type mais une journée inoubliable tout de même…

Femme portant le manioc du champ

Boire avec un gobelet naturel

écorce de mamba jaune : la bétadine de la forêt et aussi anti-palu

Quand il n'y a pas le choix, on plonge !

Campement de chasse en forêt

En forêt

Campement de chasse en forêt

La Ngounié

Coucher de soleil au village en bord de la Ngounié

Enfants et coucher de soleil

Enfants et coucher de soleil

Femme du chef en train de tisser une natte

Marche en forêt

Remède anti-poison de serpent

Coucher de soleil à Mouila

Chef pygmée entouré de ses fils et conseillés

Jeune pygmée métissé jouant de la cithare

Liqueur, smile et petit singe

Vieille chef de village

Poisson fumé en vente

Jeune Mandrill captif

Jeune Mandrill captif